La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) connaît, du moins en France, une multiplicité d’acteurs, qui interviennent dans des champs de compétence parfois clairement délimités, et parfois confondus.
Comprendre l’architecture de ce système aux multiples autorités de contrôle est un premier pas vers la compréhension de la logique de la lutte contre le blanchiment pour les professionnels assujettis à cette règlementation.
L’AMLA
Depuis l’adoption du dernier paquet LCB-FT de l’UE en 2024, l’Anti-Money Laundering Agency (AMLA) et été créée et s’est installée à Francfort. Cette Agence s’inscrit dans la volonté d’une meilleure coopération et intégration de la LCB-FT au sein des États-Membres de l’UE.
Cette année 2025 a marqué un fort tournant pour l’AMLA qui est devenue pleinement opérationnelle, même si toujours en phase de construction.
Ses principales missions sont :
- La supervision directe de certaines entités du secteur financier et superviser indirectement d’autres entités du secteur financier et non financier ;
- Le soutien des cellules de renseignement financier en permettant l’échange d’informations, en fournissant des capacités, des analyses et en gérant le système commun d’information (FIU) ;
- La participation à l’élaboration des normes au niveau européen ;
Sa montée en puissance est progressive et est vouée à augmenter fortement sur les années à venir.
L’autorité de contrôle des banques et assurances : l’ACPR
L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) est l’autorité administrative chargée de contrôler principalement le secteur bancaire et assurantiel. Elle travaille en liens étroits avec la Banque de France.
Elle a pour mission de veiller au respect de la règlementation LBC-FT au sein de ces établissements. Elle effectue des contrôles directement au sein des banques et compagnies d’assurance, elle peut exiger des modifications de leurs dispositifs internes en place et elle peut prononcer des sanctions administratives en cas de manquement à la règlementation.
L’autorité de contrôle des marchés financiers : l’AMF
L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) intervient, non pas pour les banques et assurances, mais pour les acteurs des marchés financiers :
- Les sociétés cotées en bourse ;
- Les infrastructures de marché ;
- Les intermédiaires financiers ;
- Les émetteurs d’actifs numériques.
Elle a pour mission de réguler, informer, superviser et protéger les marchés financiers. Au même titre que l’ACPR, elle dispose d’un pouvoir de contrôle et de la possibilité de prononcer des sanctions en cas de manquement à la règlementation LCB-FT.
L’organe de contrôle du marché de l’art et des biens et métaux précieux : les DOUANES
La Direction Générale des Douanes et Droits Indirects (DGDDI) est désignée par le Code monétaire et financier comme l’autorité chargée de veiller au respect de la réglementation LCB-FT par différentes catégories de professionnels :
- Les marchands d’art et d’antiquités ;
- Les négociants de pierres précieuses et métaux précieux ;
- Les opérateurs de ventes volontaires aux enchères publiques.
La Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRED) est également compétente pour enquêter et contrôler les flux financiers et les trafics.
Les Douanes sont particulièrement compétentes en matière d’opérations transfrontalières et se trouvent en première ligne à la frontière pour contrôler les flux non financiers. Elles effectuent également des contrôles, au sein de maisons de vente ou galeries d’art situées dans toute la France.
L’organe de contrôle de l’immobilier, des sociétés de domiciliation et du luxe : la DGCCRF
La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), au même titre que les Douanes, est rattachée au ministère de l’Économie et dispose d’une compétence en matière de réglementation LCB-FT.
Elle est chargée de contrôler plusieurs professionnels :
- Les professionnels de l’immobilier ;
- Les sociétés de domiciliation ;
- Le secteur du luxe (horlogerie, bijouterie, joaillerie, orfèvrerie).
La DGCCRF a une activité de contrôle soutenue et a réalisé, à plusieurs reprises, des contrôles sur plusieurs jours dans l’immobilier de luxe.
Les autres organes de contrôle compétents
D’autres entités disposent d’une compétence de surveillance dans des secteurs très spécifiques, également assujettis à la règlementation LCB-FT :
- L’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) compétente pour veiller au respect de la réglementation dans le secteur des jeux et des casinos ;
- Le Conseil Supérieur du Notariat (CSN) chargé de contrôler les notaires ;
- Le Haut Conseil du Commissariat aux Comptes (H3C) chargé de superviser les experts-comptables ;
- Le Bâtonnier de l’ordre des avocats chargé de contrôler naturellement les avocats.
Ces professions sont considérées comme « à risque » en raison de leur potentielle proximité avec des auteurs de blanchiment et font également l’objet de contrôles LCB-FT.
Conclusion
L’organigramme français en matière de LCB-FT comprend alors de nombreux acteurs qui interviennent dans des champs d’expertise plus ou moins définis. L’application de la réglementation peut alors connaître d’importantes disparités selon les autorités de contrôle, ce qui risque de troubler la sécurité juridique du Code monétaire et financier dans cette action.
La création récente de l’AMLA au niveau européen s’inscrit ainsi dans la volonté d’une meilleure harmonisation des règles. Des règlements d’application directe ont adoptés dans le paquet LCB-FT 2024, qui ne laissent ainsi aucune marge d’appréciation aux États pour leur application en droit interne.
Toutefois, en attendant la réelle présence de l’AMLA pour superviser la LCB-FT dans l’UE, les autorités de contrôle nationales demeurent libres dans l’exercice de leurs contrôles et dans leur interprétation de cette réglementation.
